Lily Passion, ou la dramaturgie d'une folie vocale
Résumé
Barbara est toujours vivante, et à l'instar d'un Fantôme de l'Opéra, elle continue de venir hanter l'espace de la chanson française. Mathieu Amalric, dans Barbara 2 , joue sur l'ambiguïté d'un biopic aux accents d'autofiction, révélant dans les interstices du jeu de Jeanne Balibard une présence en creux des problématiques identitaires et scéniques de la chanteuse. La voix de Barbara résonne encore dans l'espace défraîchi des Bouffes du Nord à Paris, quand Depardieu choisit de faire un récital hommage 3 : le monstre sacré du cinéma devient dès lors un « passeur 4 » de l'Ethos lyrique de son amie disparue. Et cela n'a pu échapper à personne, mais quelques semaines avant ce moment d'émotion scénique tangible, l'enregistrement studio de Lily Passion a été retrouvé dans les archives de la maison de production Universal. Enfouies depuis 32 ans, les bandes miraculées sont ressorties du néant. Effet médiatique, erreur de classement ou mise en sommeil involontaire ?... Difficile à dire. Quoi qu'il en soit, en ce vingtième anniversaire de sa disparition, la Dame en Noir n'a jamais si bien porté son nom : cette entité fantomatique est partout, ses accents fragiles continuent de nous enchanter, et sa voix posthume semble revenir d'outre-tombe. Ce n'est cependant pas n'importe quel album qui revient d'entre les morts, puisque Lily Passion est un album où rode la mort. Barbara y interprète Lily, une chanteuse passionnée par son art à un point si pathologique qu'elle en est éprouvée. Lily ne peut vivre sans pratiquer son art, mais entrer en scène relève d'une véritable expérience, au sens étymologique. La psalmodie de l'interprète dénote une cantrice 5 fébrile, qui parfois souffle, se trompe de ligne mélodique, reprend son chant péniblement pour se lancer ensuite dans de véritables arias... Le spectacle débute d'ailleurs de manière déceptive par un refus de chanter immédiat : « arrêtez la musique » lance Lily qui semble être en pleine répétition, tandis que pour nous le spectacle éponyme a débuté. Il s'agit donc d'un spectacle porté sur le mode de la souffrance-le titre en est significatif-mais également de la brisure. L'effet de mise en abyme génère à la fois une confusion référentielle (est-ce Lily ? Est-ce Barbara ? Est-ce même Monique Serf qui s'interroge sur son