Pour reprendre la belle formule de Philippe Boutry, une nouvelle relique en un lieu est une « page blanche où s’inscrit librement la piété des fidèles ». En terre catholique, chaque acheminement de corps saint donne lieu à des récits, sur la relique, sur le saint, et d’abord sur son transfert. Le donateur de la relique est célébré en chaire pour avoir oeuvré au salut commun. La communauté lui voue une « immortelle gratitude ». Une dette a été contractée sans que le donateur puisse être payé en retour, puisque la valeur du corps ne peut être chiffrée dans aucune monnaie terrestre. Ainsi, la relique est l’un des objets par lesquels un individu peut établir ou conforter sa domination sur telle ou telle communauté. Elle permet au patricien milanais Teodoro Trivulzio (1597-1656) de renforcer son emprise sur un large territoire, comme on peut le saisir par une série de dossiers produits par la chancellerie épiscopale de Milan. La documentation, formée d’actes notariés de donation entre vifs, est un précieux indicateur de la définition sociale de la relique authentique à l’époque moderne.